Mt 6, 14-21: Le Seigneur dit : « Si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera à vous aussi ; mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père non plus ne vous pardonnera pas vos fautes. « Quand vous jeûnez, ne prenez pas un air sombre, comme font les hypocrites : ils prennent une mine défaite pour bien montrer aux hommes qu'ils jeûnent. En vérité, je vous le déclare : ils ont reçu leur récompense. Pour toi, quand tu jeûnes, parfume-toi la tête et lave-toi le visage, pour ne pas montrer aux hommes que tu jeûnes, mais seulement à ton Père qui est là dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. « Ne vous amassez pas de trésors sur la terre, où les mites et les vers font tout disparaître, où les voleurs percent les murs et dérobent. Mais amassez-vous des trésors dans le ciel, où ni les mites ni les vers ne font de ravages, où les voleurs ne percent ni ne dérobent. Car où est ton trésor, là aussi sera ton cœur. »
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L’hymnographie liturgique de ce dimanche précédant le premier jour du Carême – qui pour nous, orthodoxes, commencera demain – est consacrée au souvenir du bannissement d’Adam du paradis. Le parallèle entre la vieille humanité, morte en Adam à cause de son infidélité, et la nouvelle humanité, ressuscitée dans le Christ par la fidélité de Dieu, est au cœur de la liturgie de ce jour. Nous pourrions réfléchir de manière particulière au lien entre l’ancien et le nouvel Homme, à la façon dont le Seigneur Jésus, par son obéissance, s’est substitué à Adam – cela nous préparerait efficacement au mystère de Pâques – mais j’aimerais que nous abordions un autre aspect de la liturgie de ce jour. Dans la tradition populaire, ce dimanche est appelé le dimanche du pardon. C’est une belle habitude qui trouve sa justification dans le passage évangélique que nous venons d’entendre.
« Si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera à vous aussi ; mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père non plus ne vous pardonnera pas vos fautes » (Mt 6, 14). Il est inutile de faire de longs discours et de grandes dissertations sur l’importance du pardon : tout est dit dans ces paroles du Seigneur Jésus. Celui qui veut être pardonné doit d’abord pardonner à ceux qui lui ont fait du tort.
La justice du Père céleste ne consiste pas dans la rétribution de nos actes et le châtiment conséquent de nos erreurs. Non, la justice de Dieu consiste dans l’application à chacun de nous de la mesure dont nous usons à l’égard des autres ; elle consiste dans l’application à chacun de nous des principes que nous établissons nous-mêmes. Au fond, nous ne sommes pas jugés par Dieu, mais par nous-mêmes. Le Père céleste ne refuse pas son pardon au fils prodigue qui revient vers lui. Il n’hésite pas à envoyer sur terre son propre Fils pour retrouver l’Adam déchu et exilé. Mais son amour paternel, aussi puissant et illimité qu’il soit, est inefficace face à ceux de ses enfants qui, en toute liberté, refusent de lui ressembler dans sa capacité d’aimer et de pardonner. Le Dieu de miséricorde ne peut sauver contre son gré son image qui ne l’imite pas dans ses propriétés fondamentales.
Croire à la volonté du Créateur de sauver ceux qui cherchent à l’imiter dans son amour, dans sa miséricorde, dans sa capacité de pardonner infiniment est le principe de la foi chrétienne. Et l’ascèse des chrétiens n’est autre que l’aspiration à ressembler toujours plus à notre Sauveur, à notre divin Modèle. L’ascèse constante du chrétien que des périodes particulières, comme celle du Carême, renforcent et actualisent, consiste à suivre le Christ Seigneur dans son amour des hommes, dans son abaissement, dans sa mort, pour avoir part à sa résurrection. Le théologien roumain Dumitru Staniloae le disait magnifiquement : « Notre ascèse est une mort progressive avec le Christ {…}, elle est la mort du vieil homme, le prolongement du Baptême, par la volonté. Il ne s’agit pas ici {…} d’une simple imitation du Christ, mais d’une mortification héroïque avec et dans le Christ. Nous sommes unis au Christ avant même d’accéder à l’état culminant d’une union avec lui, au cours même de l’action prolongée de mortification. Non seulement nous ressuscitons avec le Christ, mais avant cela nous mourons à ses côtés ; plus précisément, nous ne ressuscitons avec le Christ que pour autant que nous sommes déjà morts avec lui » (Théologie ascétique et mystique orthodoxe, p. 32). De même, pour revenir à la lecture de ce jour, nous savons que nous sommes pardonnés pour autant que nous sommes capables de pardonner, à l’exemple du Christ. Nous sommes élevés pour autant que nous sommes capables de nous abaisser avec le Christ. Nous participons à la vie éternelle de Dieu en apprenant à lui ressembler. Nous héritons du Royaume des cieux, qui est déjà en nous, pour autant que nous sommes capables de nous y assimiler et de nous laisser transfigurer par la grâce de Dieu, à l’image de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ.
« Quand vous jeûnez, ne prenez pas un air sombre, comme font les hypocrites : ils prennent une mine défaite pour bien montrer aux hommes qu'ils jeûnent. {…} Pour toi, quand tu jeûnes, parfume-toi la tête et lave-toi le visage, pour ne pas montrer aux hommes que tu jeûnes, mais seulement à ton Père qui est là dans le secret », ajoute le Seigneur. Le jeûne ou l’ascèse relèvent du rapport personnel entre l’homme et Dieu. Ils ne se pratiquent pas en public. Autant vous dire que des prétendus menus du Carême dans des cantines publiques ou des restaurants et des diètes ostentatoires ne servent à rien. L’ascèse n’est pas une fin en soi, mais le moyen de retrouver la liberté pour faire la volonté de Dieu, pour commencer à agir comme le Christ, pour essayer de lui ressembler. Le père Dumitru Staniloae rappelle très justement que « l’opinion courante donne au terme ‘ascèse’ un sens négatif. L’ascèse ne serait que retenue, abstinence, autrement dit effort négatif. Une telle vision trouve son explication dans le fait que les tendances pécheresses de notre nature, les habitudes la conduisant à la mort en sont arrivées à figurer la dimension positive de la vie ». Mais, ajoute-t-il, « en réalité, l’ascèse a un but positif. Elle cherche à fortifier notre nature, à la libérer des vers du péché qui la rongent et conduisent à sa déchéance. L’ascèse plante à la place des passions des vertus, qui exigent une nature réellement forte » (ibid., p. 30).
Le jeûne et l’ascèse doivent nous purifier de l’hypocrisie, de la tristesse, de l’abattement et du pessimisme pour préparer notre âme à recevoir la grâce de Dieu, à accueillir en nous l’Esprit Saint lui-même. Or l’Esprit, quand il s’installe en nous, apporte toujours la joyeuse quiétude et le bonheur. Donc, une ascèse authentique procure, en fin de compte, la joie et la paix, pas la frustration, ni l’aigreur. C’est cette joie et cette paix, signes de la présence de Dieu, que je vous souhaite pour toute la période du Carême.
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L’hymnographie liturgique de ce dimanche précédant le premier jour du Carême – qui pour nous, orthodoxes, commencera demain – est consacrée au souvenir du bannissement d’Adam du paradis. Le parallèle entre la vieille humanité, morte en Adam à cause de son infidélité, et la nouvelle humanité, ressuscitée dans le Christ par la fidélité de Dieu, est au cœur de la liturgie de ce jour. Nous pourrions réfléchir de manière particulière au lien entre l’ancien et le nouvel Homme, à la façon dont le Seigneur Jésus, par son obéissance, s’est substitué à Adam – cela nous préparerait efficacement au mystère de Pâques – mais j’aimerais que nous abordions un autre aspect de la liturgie de ce jour. Dans la tradition populaire, ce dimanche est appelé le dimanche du pardon. C’est une belle habitude qui trouve sa justification dans le passage évangélique que nous venons d’entendre.
« Si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera à vous aussi ; mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père non plus ne vous pardonnera pas vos fautes » (Mt 6, 14). Il est inutile de faire de longs discours et de grandes dissertations sur l’importance du pardon : tout est dit dans ces paroles du Seigneur Jésus. Celui qui veut être pardonné doit d’abord pardonner à ceux qui lui ont fait du tort.
La justice du Père céleste ne consiste pas dans la rétribution de nos actes et le châtiment conséquent de nos erreurs. Non, la justice de Dieu consiste dans l’application à chacun de nous de la mesure dont nous usons à l’égard des autres ; elle consiste dans l’application à chacun de nous des principes que nous établissons nous-mêmes. Au fond, nous ne sommes pas jugés par Dieu, mais par nous-mêmes. Le Père céleste ne refuse pas son pardon au fils prodigue qui revient vers lui. Il n’hésite pas à envoyer sur terre son propre Fils pour retrouver l’Adam déchu et exilé. Mais son amour paternel, aussi puissant et illimité qu’il soit, est inefficace face à ceux de ses enfants qui, en toute liberté, refusent de lui ressembler dans sa capacité d’aimer et de pardonner. Le Dieu de miséricorde ne peut sauver contre son gré son image qui ne l’imite pas dans ses propriétés fondamentales.
Croire à la volonté du Créateur de sauver ceux qui cherchent à l’imiter dans son amour, dans sa miséricorde, dans sa capacité de pardonner infiniment est le principe de la foi chrétienne. Et l’ascèse des chrétiens n’est autre que l’aspiration à ressembler toujours plus à notre Sauveur, à notre divin Modèle. L’ascèse constante du chrétien que des périodes particulières, comme celle du Carême, renforcent et actualisent, consiste à suivre le Christ Seigneur dans son amour des hommes, dans son abaissement, dans sa mort, pour avoir part à sa résurrection. Le théologien roumain Dumitru Staniloae le disait magnifiquement : « Notre ascèse est une mort progressive avec le Christ {…}, elle est la mort du vieil homme, le prolongement du Baptême, par la volonté. Il ne s’agit pas ici {…} d’une simple imitation du Christ, mais d’une mortification héroïque avec et dans le Christ. Nous sommes unis au Christ avant même d’accéder à l’état culminant d’une union avec lui, au cours même de l’action prolongée de mortification. Non seulement nous ressuscitons avec le Christ, mais avant cela nous mourons à ses côtés ; plus précisément, nous ne ressuscitons avec le Christ que pour autant que nous sommes déjà morts avec lui » (Théologie ascétique et mystique orthodoxe, p. 32). De même, pour revenir à la lecture de ce jour, nous savons que nous sommes pardonnés pour autant que nous sommes capables de pardonner, à l’exemple du Christ. Nous sommes élevés pour autant que nous sommes capables de nous abaisser avec le Christ. Nous participons à la vie éternelle de Dieu en apprenant à lui ressembler. Nous héritons du Royaume des cieux, qui est déjà en nous, pour autant que nous sommes capables de nous y assimiler et de nous laisser transfigurer par la grâce de Dieu, à l’image de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ.
« Quand vous jeûnez, ne prenez pas un air sombre, comme font les hypocrites : ils prennent une mine défaite pour bien montrer aux hommes qu'ils jeûnent. {…} Pour toi, quand tu jeûnes, parfume-toi la tête et lave-toi le visage, pour ne pas montrer aux hommes que tu jeûnes, mais seulement à ton Père qui est là dans le secret », ajoute le Seigneur. Le jeûne ou l’ascèse relèvent du rapport personnel entre l’homme et Dieu. Ils ne se pratiquent pas en public. Autant vous dire que des prétendus menus du Carême dans des cantines publiques ou des restaurants et des diètes ostentatoires ne servent à rien. L’ascèse n’est pas une fin en soi, mais le moyen de retrouver la liberté pour faire la volonté de Dieu, pour commencer à agir comme le Christ, pour essayer de lui ressembler. Le père Dumitru Staniloae rappelle très justement que « l’opinion courante donne au terme ‘ascèse’ un sens négatif. L’ascèse ne serait que retenue, abstinence, autrement dit effort négatif. Une telle vision trouve son explication dans le fait que les tendances pécheresses de notre nature, les habitudes la conduisant à la mort en sont arrivées à figurer la dimension positive de la vie ». Mais, ajoute-t-il, « en réalité, l’ascèse a un but positif. Elle cherche à fortifier notre nature, à la libérer des vers du péché qui la rongent et conduisent à sa déchéance. L’ascèse plante à la place des passions des vertus, qui exigent une nature réellement forte » (ibid., p. 30).
Le jeûne et l’ascèse doivent nous purifier de l’hypocrisie, de la tristesse, de l’abattement et du pessimisme pour préparer notre âme à recevoir la grâce de Dieu, à accueillir en nous l’Esprit Saint lui-même. Or l’Esprit, quand il s’installe en nous, apporte toujours la joyeuse quiétude et le bonheur. Donc, une ascèse authentique procure, en fin de compte, la joie et la paix, pas la frustration, ni l’aigreur. C’est cette joie et cette paix, signes de la présence de Dieu, que je vous souhaite pour toute la période du Carême.