Lc 12, 16-21: Le Seigneur dit cette parabole : « Il y avait un homme riche dont la terre avait bien rapporté. Et il se demandait : « Que vais-je faire ? car je n’ai pas où rassembler ma récolte ». Puis il se dit : « Voici ce que je vais faire : je vais démolir mes greniers, j’en bâtirai de plus grands et j’y rassemblerai tout mon blé et mes biens ». Et je me dirai à moi-même : « Te voilà avec quantité de biens en réserve pour de longues années ; repose-toi, mange, bois, fais bombance ». Mais Dieu lui dit : « Insensé, cette nuit même on te redemande ta vie, et ce que tu as préparé, qui donc l’aura ? » Voilà ce qui arrive à celui qui amasse un trésor pour lui-même au lieu de s’enrichir auprès de Dieu.
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Imaginez, chers amis, que vous appreniez que vous allez mourir dans les heures qui viennent. Imaginez que la question posée au riche de la parabole vous soit adressée : « Cette nuit même on te redemandera ta vie, et ce que tu as préparé, qui donc l’aura ? » Quelle sera votre réaction ? Je ne veux faire peur à personne, ni susciter des angoisses intempestives, je vous souhaite de vivre longtemps et sereinement, mais je suis convaincu que l’imminence de la mort éveillerait en vous deux sentiments : d’abord, celui de la crainte ; ensuite, celui de la responsabilité. Et ce, grâce à la foi qui vous habite.
Saint Ephrem le Syrien disait : « La pensée de la mort est inhérente à chaque être humain. Mais les non croyants l’emploient à mal : elle ne cultive en eux que le regret de perdre les plaisirs de cette vie. Pour les croyants, en revanche, cette pensée est une arme et un remède contre les passions honteuses ». Le souvenir de la mort est un élément fondamental de la spiritualité monastique. Saint Nil de la Sora, un grand moine russe du XVe siècle, le père du mouvement des non acquéreurs, des religieux mendiants, y accordait une place de prédilection dans l’ascèse monastique.
La crainte de la mort est une émotion naturelle : on a toujours une appréhension de ce qui est inconnu. Tout le monde n’est pas Socrate pour penser qu’on ne peut craindre ce dont on n’est pas sûr qu’il soit mauvais. Même si on ne craint pas la mort comme abandon de ce monde, on redoute toujours la souffrance qui peut être liée à la fin de la vie, on appréhende le sort qui peut nous attendre après (quelles que soient nos croyances et nos convictions). Mais cette crainte de l’inconnu n’est pas, pour le disciple du Christ, une peur de la dissolution, de la disparition de son être ou de la perte des biens et des plaisirs de cette vie. C’est une invitation incroyablement efficace à une analyse objective, extériorisée, de soi-même.
La crainte de la mort s’accompagne, chez le croyant, du sens de la responsabilité : nous savons que nous devons rendre compte, à Dieu et à nous-mêmes, de ce que nous aurons fait de nos talents, du temps de notre séjour terrestre. Face à la mort imminente, le chrétien dresse le bilan de sa vie. L’imminence de la mort nous rend sages et détachés ; elle nous recentre sur ce qui nous est vraiment utile. Elle nous oblige à nous évaluer et, de ce fait, elle peut révéler ce qu’il y a de meilleur en nous.
En fait, l’imminence de la mort fait lever les masques et laisse apparaître notre véritable nature. Celui qui aime cherchera à passer ses derniers instants avec l’objet de son amour. Celui qui crée – artiste, écrivain – portera un regard plus humble et plus objectif sur sa création (il regrettera sa vanité, il appréciera ses instants de véritable inspiration). Celui qui est pauvre partira plus facilement, à condition de ne pas avoir confondu vie pauvre et existence stérile. Le riche devra se rendre à l’évidence qu’il ne pourra emporter ses trésors dans sa tombe. L’homme du pouvoir pensera peut-être à son successeur, à son héritier, mais il saura que l’exercice du pouvoir ne lui aura rien apporté s’il n’en avait pas usé pour acquérir le trésor spirituel et, dans une sagacité évangélique, pour aider les autres, pour cultiver la charité et l’amitié.
Ce détachement face à la mort imminente, la rétrospective solennelle et grave de soi-même ne viennent pas automatiquement, je vous le concède. Certains, en cultivant leur mortalité, pensent devoir utiliser chaque instant de leur vie éphémère à se faire plaisir. Je vous souhaite, chers amis, de regarder la mort sereinement, fortifiés par la foi dans la résurrection du Christ et la vôtre, consolés par la promesse de la vie éternelle. Mais regardez-la aussi de façon utile, vous rappelant que votre temps ici est compté, ne le dépensez donc pas de la façon ruineuse que vous regretterez au moment de quitter ce monde pour rejoindre votre Créateur et votre Sauveur pour une étape nouvelle de votre existence.
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Imaginez, chers amis, que vous appreniez que vous allez mourir dans les heures qui viennent. Imaginez que la question posée au riche de la parabole vous soit adressée : « Cette nuit même on te redemandera ta vie, et ce que tu as préparé, qui donc l’aura ? » Quelle sera votre réaction ? Je ne veux faire peur à personne, ni susciter des angoisses intempestives, je vous souhaite de vivre longtemps et sereinement, mais je suis convaincu que l’imminence de la mort éveillerait en vous deux sentiments : d’abord, celui de la crainte ; ensuite, celui de la responsabilité. Et ce, grâce à la foi qui vous habite.
Saint Ephrem le Syrien disait : « La pensée de la mort est inhérente à chaque être humain. Mais les non croyants l’emploient à mal : elle ne cultive en eux que le regret de perdre les plaisirs de cette vie. Pour les croyants, en revanche, cette pensée est une arme et un remède contre les passions honteuses ». Le souvenir de la mort est un élément fondamental de la spiritualité monastique. Saint Nil de la Sora, un grand moine russe du XVe siècle, le père du mouvement des non acquéreurs, des religieux mendiants, y accordait une place de prédilection dans l’ascèse monastique.
La crainte de la mort est une émotion naturelle : on a toujours une appréhension de ce qui est inconnu. Tout le monde n’est pas Socrate pour penser qu’on ne peut craindre ce dont on n’est pas sûr qu’il soit mauvais. Même si on ne craint pas la mort comme abandon de ce monde, on redoute toujours la souffrance qui peut être liée à la fin de la vie, on appréhende le sort qui peut nous attendre après (quelles que soient nos croyances et nos convictions). Mais cette crainte de l’inconnu n’est pas, pour le disciple du Christ, une peur de la dissolution, de la disparition de son être ou de la perte des biens et des plaisirs de cette vie. C’est une invitation incroyablement efficace à une analyse objective, extériorisée, de soi-même.
La crainte de la mort s’accompagne, chez le croyant, du sens de la responsabilité : nous savons que nous devons rendre compte, à Dieu et à nous-mêmes, de ce que nous aurons fait de nos talents, du temps de notre séjour terrestre. Face à la mort imminente, le chrétien dresse le bilan de sa vie. L’imminence de la mort nous rend sages et détachés ; elle nous recentre sur ce qui nous est vraiment utile. Elle nous oblige à nous évaluer et, de ce fait, elle peut révéler ce qu’il y a de meilleur en nous.
En fait, l’imminence de la mort fait lever les masques et laisse apparaître notre véritable nature. Celui qui aime cherchera à passer ses derniers instants avec l’objet de son amour. Celui qui crée – artiste, écrivain – portera un regard plus humble et plus objectif sur sa création (il regrettera sa vanité, il appréciera ses instants de véritable inspiration). Celui qui est pauvre partira plus facilement, à condition de ne pas avoir confondu vie pauvre et existence stérile. Le riche devra se rendre à l’évidence qu’il ne pourra emporter ses trésors dans sa tombe. L’homme du pouvoir pensera peut-être à son successeur, à son héritier, mais il saura que l’exercice du pouvoir ne lui aura rien apporté s’il n’en avait pas usé pour acquérir le trésor spirituel et, dans une sagacité évangélique, pour aider les autres, pour cultiver la charité et l’amitié.
Ce détachement face à la mort imminente, la rétrospective solennelle et grave de soi-même ne viennent pas automatiquement, je vous le concède. Certains, en cultivant leur mortalité, pensent devoir utiliser chaque instant de leur vie éphémère à se faire plaisir. Je vous souhaite, chers amis, de regarder la mort sereinement, fortifiés par la foi dans la résurrection du Christ et la vôtre, consolés par la promesse de la vie éternelle. Mais regardez-la aussi de façon utile, vous rappelant que votre temps ici est compté, ne le dépensez donc pas de la façon ruineuse que vous regretterez au moment de quitter ce monde pour rejoindre votre Créateur et votre Sauveur pour une étape nouvelle de votre existence.