Homélie pour la liturgie de la nuit de Pâques



Homélie pour la liturgie de la nuit de Pâques
Cet après-midi, aux premières vêpres de Pâques, nous avons lu presque tout le livre de Jonas, un des douze prophètes mineurs. Le caractère christologique de ce livre a été souligné très tôt : le Seigneur Jésus lui-même considérait l’histoire de ce prophète comme une figure de sa propre œuvre du salut. Ce petit ouvrage prophétique est très étrange, mais il suggère des réponses à des questions très graves que tout chrétien se pose sur les moyens que Dieu utilise pour sauver l’humanité.

En le réécoutant tout à l’heure, j’ai été ému par un épisode dans les relations entre Dieu et Jonas. Ce prophète rebelle s’est fâché contre Dieu pour une raison stupéfiante : il a été profondément déçu de découvrir que Dieu est tendre et miséricordieux. Il s’est fâché contre Dieu parce qu’il a eu pitié des habitants de Ninive, après leur conversion, et a renoncé à exécuter ses menaces : « Je savais en effet que tu es un Dieu de pitié et de tendresse, lent à la colère, riche en grâce et te repentant du mal », dit Jonas. Son dépit était tel qu’il demandait à Dieu de mourir. Alors le Seigneur fait pousser un ricin au-dessus du lieu où Jonas s’est réfugié. Cet arbuste protège le prophète du soleil. Et quand Jonas a commencé à éprouver de la joie pour ce ricin et à apprécier l’ombre qu’il lui procurait, Dieu l’a fait se dessécher, mettant Jonas dans une colère encore plus grande. Et voici le dialogue qui a lieu entre Dieu et Jonas pour cet arbuste perdu. Il est extrêmement édifiant pour nous en ce jour de Pâques.

Dieu dit à Jonas : « As-tu raison de te fâcher pour ce ricin ? » Il répondit : « Oui, j’ai bien raison d’être fâché à mort ». Le Seigneur repartit : « Toi, tu as de la peine pour ce ricin, qui ne t’a coûté aucun travail et que tu n’as pas fait grandir, qui a poussé en une nuit et en une nuit a péri. Et moi je ne serai pas en peine pour Ninive, la grande ville où il y a plus de cent vingt mille être humains ».

En effet, Dieu n’aurait-il pas pitié des hommes qu’il a créés à son image ? En donnant naissance à la vie raisonnable, la Sagesse divine s’est engagée dans un processus irréversible et irrévocable. La création raisonnable ne peut pas être séparée de son Créateur. Bien sûr, la puissance divine aurait pu exterminer l’humanité atteinte par le mal, sans en être affecté. Mais ce serait un signe de faiblesse incompatible avec la notion du Dieu Créateur. En effet, la divinité qui engendre une vie intelligente extérieure à elle-même ne peut être qu’Amour, selon l’expression apostolique.

Dieu ne nous a pas lâchés quand nous sommes tombés. Bien au contraire, pour parler de façon humaine, la Sagesse divine a déployé plus d’efforts pour le salut de l’humanité que pour sa création. Dieu a fait plus pour nous ramener vers la vie que pour nous tirer du néant. Le Verbe de Dieu par lequel nous avons été créés est devenu créature lui-même. Il a assumé notre condition d’esclave et pris sur lui la totalité monstrueuse de la perversion humaine : l’Agneau doux et sans tâche que Dieu est devenu a été sauvagement condamné, outragé, exécuté. Cette passion volontaire du Dieu incarné était la plus grande preuve de l’amour du Créateur pour son image. La mort volontaire de l’Innocent est devenue source de vie pour nous.

N’oubliez pas, frères, qu’en confessant la Résurrection du Christ, nous devons bien savoir que nous nous rencontrerons le Seigneur ressuscité. Quand ce sera le moment, nous le verrons, avec le corps qu’il a assumé, tel qu’il a été contemplé par les apôtres après sa résurrection. Il ne faut pas que nous ayons l’air ingrat en présence du Christ qui a tant fait pour nous. Avant d’aller à sa passion, il n’a demandé qu’une seule chose à ceux qui le suivent : Aimez-vous les uns les autres. C’est à cela qu’on vous reconnaîtra comme mes disciples. Alors, cette seule chose que le Seigneur nous a demandée, nous pouvons bien faire un effort pour l’acquérir. Nous pouvons essayer d’aimer plus ceux que Dieu tant aimés pour avoir donné son Fils unique.

Mercredi 27 Avril 2011
Séminaire Russe