Homélie pour la fête de sainte Geneviève de Paris



Quelques années après la mort de sainte Geneviève, une âme pieuse et lettrée écrivit sa vie. Bien lui en a pris ! Grâce à ce chrétien diligent, nonobstant le style très hagiographique de son œuvre, nous sommes bien informés sur Geneviève ; on ne peut pas en dire autant de tous les saints du premier millénaire.

Cette Vie de sainte Geneviève, rédigée en latin, date donc du VIe siècle. Ce qui m’a frappé à la lecture de cet écrit gallo-romain – que je vous recommande chaleureusement, d’autant qu’une traduction française est disponible sur Gallica en accès libre – c’est la présence en plein milieu de cette œuvre d’une référence à saint Siméon le Stylite, contemporain aîné de sainte Geneviève (elle avait environ trente-cinq ans quand il est mort), remarquable saint syrien, rendu célèbre grâce à la plume de Théodoret de Cyr, son contemporain. Voici ce que la Vie de sainte Geneviève dit au sujet de Siméon :

Il y avait pour lors du côté d’Orient, en Syrie, un saint homme appelé Siméon, célèbre par le mépris qu’il avait fait des plaisirs et des richesses du siècle et pour être aussi demeuré près de quarante ans sur une colonne près de la ville d’Antioche. On dit de ce grand personnage que, quand il voyait passer des marchands qui venaient d’Occident, il leur demandait des nouvelles de Geneviève ; ou d’autres qui y retournaient, il les priait de la saluer de sa part, en leur témoignant l’extrême vénération qu’il avait pour elle et de la conjurer de se souvenir de lui dans ses prières.

Ce souci d’établir le lien avec l’Orient, de souligner l’unité de l’expérience mystique, de la sainteté, de la foi entre Siméon et Geneviève, séparés par des milliers de kilomètres, par la langue, la culture, le rite, est très émouvant, surtout dans un document gallo-romain du sixième siècle ! Pour tout vous dire, chaque fois que je relis la Vie de Geneviève, je suis ému par cette intention de son hagiographe, par la catholicité dont il fait preuve, par son ouverture et son universalité. Au sixième siècle, les chrétiens vivant en Gaule, habitant notre région, priant en latin, faisant face aux invasions des peuples germaniques, se sentaient en totale communion de foi et de prière avec les chrétiens de Syrie et de Liban, certainement aussi de Grèce et de Palestine, d’Anatolie, d’Égypte et d’Arménie. J’aime les saints du premier millénaire pour cet universalisme, pour cette catholicité qui a manqué au second millénaire et dont nous avons vraiment besoin maintenant.

Célébrons aujourd’hui ensemble Geneviève et Siméon, dont la foi a été plus forte que les barrières humaines, culturelles, linguistiques et politiques, qui ont partagé le même amour de Jésus-Christ, la même soif de l’Esprit et qui ont loué le même Père céleste qui pour tous ses enfants a préparé des demeures dans son royaume et qui à tous les humains ouvre ses bras miséricordieux et offre son pardon.

Dimanche 3 Janvier 2016
Alexandre Siniakov