Le quotidien français catholique La Croix a publié le 13 novembre un reportage sur le séminaire, signé par François-Xavier Maigre. Nous le reproduisons ici à partir du site du journal:
Le Patriarcat de Moscou a choisi la France pour son premier séminaire en Occident, qui sera inauguré demain en région parisienne
L’odeur épaisse de l’encens, les longues litanies en slavon et l’iconostase typique des églises orthodoxes… Ce matin-là, dans la chapelle de l’ancien couvent des Sœurs auxiliatrices à Épinay-sous-Sénart (Essonne), les chants qui s’élèvent sont bien ceux de la liturgie orientale. À une demi-heure de Paris, cette majestueuse bâtisse du XVIIe siècle accueille depuis septembre le nouveau séminaire orthodoxe russe de France, qui sera officiellement inauguré samedi 14 novembre, en présence de l’évêque Hilarion (Alfeyev) de Volokolamsk, responsable des relations extérieures du Patriarcat de Moscou, et du cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris.
Un événement à haute valeur symbolique, à l’heure où l’Europe commémore la chute du mur de Berlin : il s’agit en effet du premier séminaire de l’Église orthodoxe russe en dehors de l’ancien espace soviétique. Objectif affiché : permettre à de futurs prêtres de découvrir les richesses culturelles et spirituelles de l’Occident chrétien, et, réciproquement, promouvoir la tradition orthodoxe russe en Europe.
Ainsi, Ignace Domas-Conzémius, 31 ans, moine d’origine suisse, « ancien catholique engagé dans l’œcuménisme », qui a embrassé l’orthodoxie en 2007, « à la suite d’une grave maladie ». Pudique derrière sa barbe brune, il n’en dit guère plus sur ce changement de cap, mais souligne sa « chance » de pouvoir se mêler « à des orthodoxes de souche » tout en restant en France. Anton Sidenko, 25 ans, approuve : « Quand j’ai su que ce séminaire allait ouvrir, je n’ai pas hésité », témoigne ce Moscovite parfaitement à l’aise avec le français, pour avoir étudié deux ans à l’Institut national polytechnique de Lorraine (Nancy).
La France "une seconde patrie"
Proche de la paroisse parisienne des Trois-Saints-Docteurs, Anton ne concevait pas d’approfondir sa vocation ailleurs qu’en France, considérée comme « une seconde patrie ». D’autres ont appris l’existence du séminaire par hasard, via Internet : « Je cherchais à vivre une expérience à l’étranger. J’ai envoyé un courriel, on m’a rappelé… et me voilà ! », relate Dimitri Garmonov, 19 ans, originaire de la république du Tatarstan. Pour lui comme pour les autres, « tout a été très vite ».
À vrai dire, tout, dans l’histoire du séminaire d’Épinay, s’est fait en un temps record. Au risque de froisser certaines susceptibilités (lire ci-contre). Novembre 2007 : lors d’une visite à Paris, le métropolite Kirill de Smolensk et Kaliningrad – devenu en janvier dernier patriarche de Moscou – suggère la création d’un séminaire russe en France, à condition d’obtenir l’accord des autorités catholiques franciliennes.
Au mois de janvier suivant, l’Evêque Innocent de Chersonèse, dont dépendent les fidèles du Patriarcat de Moscou vivant en France, soumet le projet au cardinal Vingt-Trois et aux évêques catholiques d’Île-de-France, qui donnent leur accord. Le 15 avril 2008, le dossier est validé par le saint-synode du Patriarcat de Moscou. Restait à trouver un lieu. C’est Mgr Éric Aumonier, évêque de Versailles, qui suggère à l’équipe du futur séminaire de s’adresser aux Sœurs auxiliatrices d’Épinay, en passe de quitter leur maison.
L'ignorance, un fléau dans les relations entre Églises
« Les religieuses ont tout fait pour nous aider », raconte le P. Alexandre Siniakov, supérieur du séminaire, qui souligne que le soutien des catholiques de France est sans doute « l’aspect qui a le mieux fonctionné » depuis deux ans. Il s’agit donc bien de cultiver une « amitié » franco-russe parfois refroidie par l’ère soviétique. Y compris sur le terrain religieux : « Notre objectif est de former de futurs acteurs du dialogue œcuménique et de l’unité des chrétiens. »
En octobre, les séminaristes se sont ainsi rendus à Auvers-sur-Oise, où ils ont pu rencontrer Mgr Jean-Yves Riocreux, évêque de Pontoise. Puis c’est Mgr Michel Dubost, évêque d’Évry, qui est venu les visiter, chez eux, à Épinay. Une sympathie confirmée au quotidien avec les Petites Sœurs des Pauvres, installées à deux pas du séminaire, ou avec les paroissiens catholiques, intrigués par ce nouveau voisinage. Le P. Siniakov espère que ces multiples échanges contribueront à « faire tomber les préjugés entre chrétiens d’Europe de l’Est et chrétiens occidentaux ». L’ignorance, dit-il, est « le plus grand fléau » dans les relations entre Églises.
Or, « la Russie connaîtra bientôt la même sécularisation que la société occidentale, analyse le P. Siniakov. L’individualisme menace nos communautés chrétiennes. » Conclusion : les Églises de l’Ouest et de l’Est ont des destins beaucoup plus proches qu’elles ne le pensent. Face à ce défi, le séminaire s’est fixé comme perspective de « redonner du tonus à la mission, en souffrance dans l’Église orthodoxe ». Autrement dit, faire redécouvrir « le goût de la vie liturgique », mais aussi s’impliquer « efficacement » dans « le domaine de la solidarité ».
12 étudiants
Dans un tel contexte, le P. Siniakov refuse d’entrer dans les rivalités intra-orthodoxes : « Notre séminaire est ouvert à tous, y compris aux futurs prêtres du Patriarcat de Constantinople… » Le défi de formation est immense. Le séminaire accueille déjà 12 étudiants issus de différentes régions et juridictions orthodoxes (Russie, Roumanie, Ukraine, Géorgie, Biélorussie, Lettonie…), envoyés en France par leurs évêques.
Reste la question du retour, au terme des cinq ans de formation : « Certains retourneront dans leur pays, où leurs compétences linguistiques et pastorales seront précieuses, d’autres resteront en France, où les fidèles orthodoxes (on estime leur nombre à environ 500 000) manquent de prêtres », avance le P. Siniakov. D’ici à cinq ans, le séminaire d’Épinay prévoit d’accueillir une quarantaine de séminaristes.
Le Patriarcat de Moscou a choisi la France pour son premier séminaire en Occident, qui sera inauguré demain en région parisienne
L’odeur épaisse de l’encens, les longues litanies en slavon et l’iconostase typique des églises orthodoxes… Ce matin-là, dans la chapelle de l’ancien couvent des Sœurs auxiliatrices à Épinay-sous-Sénart (Essonne), les chants qui s’élèvent sont bien ceux de la liturgie orientale. À une demi-heure de Paris, cette majestueuse bâtisse du XVIIe siècle accueille depuis septembre le nouveau séminaire orthodoxe russe de France, qui sera officiellement inauguré samedi 14 novembre, en présence de l’évêque Hilarion (Alfeyev) de Volokolamsk, responsable des relations extérieures du Patriarcat de Moscou, et du cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris.
Un événement à haute valeur symbolique, à l’heure où l’Europe commémore la chute du mur de Berlin : il s’agit en effet du premier séminaire de l’Église orthodoxe russe en dehors de l’ancien espace soviétique. Objectif affiché : permettre à de futurs prêtres de découvrir les richesses culturelles et spirituelles de l’Occident chrétien, et, réciproquement, promouvoir la tradition orthodoxe russe en Europe.
Ainsi, Ignace Domas-Conzémius, 31 ans, moine d’origine suisse, « ancien catholique engagé dans l’œcuménisme », qui a embrassé l’orthodoxie en 2007, « à la suite d’une grave maladie ». Pudique derrière sa barbe brune, il n’en dit guère plus sur ce changement de cap, mais souligne sa « chance » de pouvoir se mêler « à des orthodoxes de souche » tout en restant en France. Anton Sidenko, 25 ans, approuve : « Quand j’ai su que ce séminaire allait ouvrir, je n’ai pas hésité », témoigne ce Moscovite parfaitement à l’aise avec le français, pour avoir étudié deux ans à l’Institut national polytechnique de Lorraine (Nancy).
La France "une seconde patrie"
Proche de la paroisse parisienne des Trois-Saints-Docteurs, Anton ne concevait pas d’approfondir sa vocation ailleurs qu’en France, considérée comme « une seconde patrie ». D’autres ont appris l’existence du séminaire par hasard, via Internet : « Je cherchais à vivre une expérience à l’étranger. J’ai envoyé un courriel, on m’a rappelé… et me voilà ! », relate Dimitri Garmonov, 19 ans, originaire de la république du Tatarstan. Pour lui comme pour les autres, « tout a été très vite ».
À vrai dire, tout, dans l’histoire du séminaire d’Épinay, s’est fait en un temps record. Au risque de froisser certaines susceptibilités (lire ci-contre). Novembre 2007 : lors d’une visite à Paris, le métropolite Kirill de Smolensk et Kaliningrad – devenu en janvier dernier patriarche de Moscou – suggère la création d’un séminaire russe en France, à condition d’obtenir l’accord des autorités catholiques franciliennes.
Au mois de janvier suivant, l’Evêque Innocent de Chersonèse, dont dépendent les fidèles du Patriarcat de Moscou vivant en France, soumet le projet au cardinal Vingt-Trois et aux évêques catholiques d’Île-de-France, qui donnent leur accord. Le 15 avril 2008, le dossier est validé par le saint-synode du Patriarcat de Moscou. Restait à trouver un lieu. C’est Mgr Éric Aumonier, évêque de Versailles, qui suggère à l’équipe du futur séminaire de s’adresser aux Sœurs auxiliatrices d’Épinay, en passe de quitter leur maison.
L'ignorance, un fléau dans les relations entre Églises
« Les religieuses ont tout fait pour nous aider », raconte le P. Alexandre Siniakov, supérieur du séminaire, qui souligne que le soutien des catholiques de France est sans doute « l’aspect qui a le mieux fonctionné » depuis deux ans. Il s’agit donc bien de cultiver une « amitié » franco-russe parfois refroidie par l’ère soviétique. Y compris sur le terrain religieux : « Notre objectif est de former de futurs acteurs du dialogue œcuménique et de l’unité des chrétiens. »
En octobre, les séminaristes se sont ainsi rendus à Auvers-sur-Oise, où ils ont pu rencontrer Mgr Jean-Yves Riocreux, évêque de Pontoise. Puis c’est Mgr Michel Dubost, évêque d’Évry, qui est venu les visiter, chez eux, à Épinay. Une sympathie confirmée au quotidien avec les Petites Sœurs des Pauvres, installées à deux pas du séminaire, ou avec les paroissiens catholiques, intrigués par ce nouveau voisinage. Le P. Siniakov espère que ces multiples échanges contribueront à « faire tomber les préjugés entre chrétiens d’Europe de l’Est et chrétiens occidentaux ». L’ignorance, dit-il, est « le plus grand fléau » dans les relations entre Églises.
Or, « la Russie connaîtra bientôt la même sécularisation que la société occidentale, analyse le P. Siniakov. L’individualisme menace nos communautés chrétiennes. » Conclusion : les Églises de l’Ouest et de l’Est ont des destins beaucoup plus proches qu’elles ne le pensent. Face à ce défi, le séminaire s’est fixé comme perspective de « redonner du tonus à la mission, en souffrance dans l’Église orthodoxe ». Autrement dit, faire redécouvrir « le goût de la vie liturgique », mais aussi s’impliquer « efficacement » dans « le domaine de la solidarité ».
12 étudiants
Dans un tel contexte, le P. Siniakov refuse d’entrer dans les rivalités intra-orthodoxes : « Notre séminaire est ouvert à tous, y compris aux futurs prêtres du Patriarcat de Constantinople… » Le défi de formation est immense. Le séminaire accueille déjà 12 étudiants issus de différentes régions et juridictions orthodoxes (Russie, Roumanie, Ukraine, Géorgie, Biélorussie, Lettonie…), envoyés en France par leurs évêques.
Reste la question du retour, au terme des cinq ans de formation : « Certains retourneront dans leur pays, où leurs compétences linguistiques et pastorales seront précieuses, d’autres resteront en France, où les fidèles orthodoxes (on estime leur nombre à environ 500 000) manquent de prêtres », avance le P. Siniakov. D’ici à cinq ans, le séminaire d’Épinay prévoit d’accueillir une quarantaine de séminaristes.