Pour le cinquantième anniversaire de la levée des anathèmes entre Rome et Constantinople



La communauté du Séminaire a commémoré avec action de grâce le cinquantième anniversaire de la levée des anathèmes de 1054 par le pape Paul VI et le patriarche Athénagoras de Constantinople. Le 8 décembre, après l'office des vêpres, Mgr Pierre Raffin, évêque émérite de Metz, et le recteur du séminaire ont partagé avec les séminaristes leur vision de cet événement extraordinaire. Mgr Raffin a fait part de ses souvenirs personnels, de jeune prêtre dominicain, des gestes accomplis par le Pape et le Patriarche de Constantinople. Le P. Alexandre a lu la déclaration commune du 7 décembre 1965, avec une brève introduction, dont voici le texte:


« Sont proches de Dieu et de ce qui est divin ceux qui manifestent leur attachement au bien de la paix, haïssent son contraire, la division, et la trouvent insupportable » (S. Grégoire de Nazianze, Discours 6, 13).

Le pape Paul VI et le patriarche Athénagoras sont assurément des hommes proches de Dieu par leur attachement à la paix et à l’unité qu’ils n’ont pas seulement déclaré en paroles, mais manifesté aussi par des actes. Notamment, par leur rencontre à Jérusalem le 5 janvier 1964. Puis, un an plus tard, le 7 décembre 1965, par la levée réciproque et simultanée des anathèmes de 1054.

La levée des anathèmes n’a pas rétabli la pleine communion entre l’Église catholique romaine et l’Église orthodoxe. Comme l’a précisé alors le métropolite Méliton d’Hélioupolis, co-président orthodoxe de la commission mixte chargé de préparer l’événement, cet acte n’a apporté « aucune modification à l’état doctrinal, à l’ordre canonique existant, au culte divin et à la vie ecclésiale en général telle qu’elle existe aujourd’hui à l’intérieur de chaque Église » (Tomos Agapis, p. 263).

Ce ne fut pas moins un geste prophétique et exaltant. Un grand pas a été fait par les Églises de Rome et de Constantinople pour se conformer à la volonté de notre Seigneur concernant ses disciples : « Que tous soient un » (Jn 17, 21). « En relation avec ce but final cet acte constitue un nouveau pas historique aussi important que positif. En effet, à la place de ce qui était le symbole de l’hostilité et de la division, il pose le symbole de l’amour et du rapprochement. Il devient le principe de la réparation d’autres torts historiques » (Métropolite Méliton dans Tomos Agapis, p. 263). Selon le cardinal Jean Willebrands, ce geste « prépare les voies du Seigneur qui nous conduira à la plénitude de la sainte communion en Lui » (Tomos Agapis, p. 268).

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DÉCLARATION COMMUNE DU PAPE PAUL VI ET DU PATRIARCHE ATHÉNAGORAS

1. Pénétrés de reconnaissance envers Dieu pour la faveur que, dans sa miséricorde, il leur a fait de se rencontrer fraternellement aux lieux sacrés où, par la mort et la résurrection du Seigneur Jésus, a été consommé le mystère de notre salut et, par l’effusion du Saint-Esprit, a été donné naissance à l’Église, le pape Paul VI et le patriarche Athénagoras Ier n’ont pas perdu de vue le dessein qu’ils ont conçu dès lors, chacun pour sa part, de ne rien omettre désormais des gestes qu’inspire la charité et qui puissent faciliter le développement des rapports fraternels ainsi amorcés entre l’Église catholique romaine et l’Église orthodoxe de Constantinople. Ils sont persuadés de répondre ainsi à l’appel de la grâce divine qui porte aujourd’hui l’Église catholique romaine et l’Église orthodoxe ainsi que tous les chrétiens à surmonter leurs différends afin d’être à nouveau “un” comme le Seigneur Jésus l’a demandé pour eux à son Père.

2. Parmi les obstacles qui se trouvent sur le chemin du développement de ces rapports fraternels de confiance et d’estime, figure le souvenir des décisions, actes et incidents pénibles, qui ont abouti en 1054 à la sentence d’excommunication portée contre le patriarche Michel Cérulaire et deux autres personnalités par les légats du siège romain, conduits par le cardinal Humbert, légats qui furent eux-mêmes ensuite l’objet d’une sentence analogue de la part du patriarche et du synode constantinopolitain.

3. On ne peut faire que ces événements n’aient pas été ce qu’ils ont été dans cette période particulièrement troublée de l’histoire. Mais aujourd’hui qu’un jugement plus serein et plus équitable a été porté sur eux, il importe de reconnaître les excès dont ils ont été entachés et qui ont amené ultérieurement des conséquences dépassant, autant que nous pouvons en juger, les intentions et les prévisions de leurs auteurs dont les censures portaient sur les personnes visées et non sur les Églises et n’entendaient pas rompre la communion ecclésiastique entre les sièges de Rome et de Constantinople.

4. C’est pourquoi le pape Paul VI et le patriarche Athénagoras Ier en son synode, certains d’exprimer le désir commun de justice et le sentiment unanime de charité de leurs fidèles et se rappelant le précepte du Seigneur: “Quand tu présentes ton offrande à l’autel, si là tu te souviens d’un grief que ton frère a contre toi, laisse là ton offrande devant l’autel et va d’abord te réconcilier avec ton frère” (Mt 5, 23-24), déclarent d’un commun accord:

a) regretter les paroles offensantes, les reproches sans fondement, et les gestes condamnables qui, de part et d’autre, ont marqué ou accompagné les tristes événements de cette époque;

b) regretter également et enlever de la mémoire et du milieu de l’Église les sentences d’excommunication qui les ont suivis, et dont le souvenir opère jusqu’à nos jours comme un obstacle au rapprochement dans la charité, et les vouer à l’oubli;

c) déplorer, enfin, les fâcheux précédents et les événements ultérieurs qui, sous l’influence de divers facteurs, parmi lesquels l’incompréhension et la méfiance mutuelles, ont finalement conduit à la rupture effective de la communion ecclésiastique.

5. Ce geste de justice et de pardon réciproque, le pape Paul VI et le patriarche Athénagoras Ier avec son synode sont conscients qu’il ne peut suffire à mettre fin aux différends, anciens ou plus récents, qui subsistent entre l’Église catholique romaine et l’Église orthodoxe et qui, par l’action de l’Ésprit-Saint, seront surmontés grâce à la purification des cœurs, au regret des torts historiques ainsi qu’à une volonté efficace de parvenir à une intelligence et une expression commune de la foi apostolique et de ses exigences.

En accomplissant ce geste, cependant, ils espèrent qu’il sera agréé de Dieu, prompt à nous pardonner lorsque nous nous pardonnons les uns les autres, et apprécié par le monde chrétien tout entier, mais surtout par l’ensemble de l’Église catholique romaine et l’Église orthodoxe comme l’expression d’une sincère volonté réciproque de réconciliation et comme une invitation à poursuivre, dans un esprit de confiance, d’estime et de charité mutuelles, le dialogue qui les amènera, Dieu aidant, à vivre de nouveau, pour le plus grand bien des âmes et l’avènement du règne de Dieu, dans la pleine communion de foi, de concorde fraternelle et de vie sacramentelle qui exista entre elles au cours de premier millénaire de la vie de l’Église.

7 décembre 1965
Pour le cinquantième anniversaire de la levée des anathèmes entre Rome et Constantinople

Mardi 8 Décembre 2015
Alexandre Siniakov