Le recteur du séminaire orthodoxe russe de Paris, le hiéromoine Alexandre Siniakov a expliqué, dans une interview au portail russe « Tatianin den’ » de l'aumônerie orthodoxe de l'Université de Moscou, l'activité de cette école théologique de l'Eglise orthodoxe russe. En voici la traduction française:
— Père Alexandre, comment se fait-il que vous soyez devenu recteur du séminaire orthodoxe russe à Paris ? Racontez-nous un peu votre parcours.
—Tout fut très simple pour moi : j’ai toujours aspiré à la vie monastique et, après la sortie de l’école, le lendemain de la réception du diplôme, je suis parti pour le monastère Ipatiev de Kostroma. Là j’ai vécu une année, avant que Mgr Alexandre, alors archevêque de Kostroma, maintenant métropolite du Kazakhstan, m’envoie en formation en France. J’ai étudié à l’Institut catholique de Toulouse, à l’Ecole pratique des hautes études (Paris), où j’ai soutenu mes thèses de DEA et de doctorat, et à l'institut de théologie orthodoxe Saint-Serge, où j’ai défendu ma maîtrise. Quand surgit l’idée de la création d’un séminaire orthodoxe en France, l'archevêque Innocent de Chersonèse (maintenant, archevêque de Vilnius et de Lituanie) m’a proposé de diriger cette école théologique. La décision du Saint-Synode suivit.
Le rectorat est pour moi est une expérience immense, qui me donne beaucoup. Certes, nous avons déjà vécu une grande quantité d’épreuves, de difficultés, nous nous sommes heurtés à un nombre indescriptible de problèmes. Mais, par la grâce de Dieu, tout cela est passé, même si, évidemment, bien des choses sont encore devant nous — le séminaire est très jeune et doit s’affermir.
Le séminaire russe fut créé, il y a quatre ans, par le Saint-Synode de l'Eglise orthodoxe russe, à l'initiative du Patriarche Cyrille, alors encore métropolite de Smolensk et de Kaliningrad. Il a ouvert ses portes, proprement dit, il y a deux ans. Récemment, nous avons entamé la troisième année académique au séminaire.
— Où se trouve, géographiquement, votre Séminaire à Paris ?
— Géographiquement, le Séminaire se trouve en banlieue parisienne. Une ligne du RER y mène — 25 minutes du centre de Paris, ce qui est, pour les Français, considérable. Par contre, c'est habituel pour les Russes familiers des distances immenses de Moscou.
Le séminaire s'est installé dans un ancien couvent catholique, qu’occupaient auparavant les Sœurs Auxiliatrices. D'abord, nous louions les locaux, mais le 1er août de cette année, l'Église russe est devenue le propriétaire de la Maison et du territoire adjacent. Maintenant nous avons un bâtiment assez grand, avec 25 chambres d'étudiant, cinq chambres pour les prêtres et les professeurs venant au séminaire et presque quatre hectares du parc. Cette année, nous avons entrepris la construction d’une église en bois, qui deviendra l’image de l’architecture traditionnelle russe.
— Pour l’instant, l’église du Séminaire est située dans un local aménagé ?
— Oui, au séminaire, il y a une église domestique dans un local aménagé, que nous modifions maintenant entièrement. À l'intérieur, il est peint à fresque. L'étape suivante est l'installation de l'iconostase, qui vient d’arriver chez nous des ateliers de la laure de la Trinité-Saint-Serge. Nous voudrions que cette église devienne une église idéale de la tradition orthodoxe russe, pour que l'on puisse, notamment, la montrer aux visiteurs.
L’église du séminaire était dédiée, encore à l’époque des Sœurs Auxiliatrices, à la mémoire de Sainte Geneviève de Paris, une sainte du VIe siècle, fort vénérée dans l'émigration russe. Sainte Geneviève est vénérée tant par les orthodoxes que les catholiques. Nous avons décidé de conserver cette dédicace et consacrer également l’autel de notre église en l'honneur de saint Martin le Confesseur, pape de Rome, qui a lutté avec l’hérésie monothélyte ; et comme il est mort à Chersonèse, nous le considérons comme l’un des saints patrons du diocèse de Chersonèse.
— Y a-t-il beaucoup d’étudiants au Séminaire ?
— Cette année, 22 personnes étudient chez nous ; chaque année nous acceptons en moyenne près de sept personnes, parfois un peu plus. La plupart de nos étudiants viennent de Russie, mais il y a aussi des jeunes gens d'Ukraine, de Moldavie, de l'émigration russe en Europe occidentale. Trois de nos élèves sont des représentants d’autres cultures, convertis à l'Orthodoxie : un Colombien (ordonné diacre l'année passée), un Ghanéen (ordonné prêtre du Patriarcat d’Alexandrie il y a quelques semaines), et un Haïtien de la mission de l'Église russe hors-frontières à Haïti, qui attend encore son visa français.
La langue de contact au Séminaire est le français. Deux tiers de l’office divin sont célébrés dans cette langue.
— Qui enseigne au Séminaire ?
—Du point de vue de l'enseignement, notre Séminaire est particulier. Le fait est que nos séminaristes passent le principal de leur enseignement — environ 2/3 de toutes leurs études — dans une des universités parisiennes : soit à la Sorbonne (aussi bien à Paris IV qu’à l’EPHE), soit à l'institut Saint-Serge, soit à l’Institut catholique de Paris. Seulement un tiers des études se déroulent à l'intérieur même du séminaire : ce qu’il est nécessaire de connaître aux futurs pasteurs selon les standards du comité pédagogique de l'Eglise orthodoxe russe y est enseigné. Nos professeurs sont des membres du clergé du diocèse de Chersonèse et des diocèses voisins, des laïcs — représentants de l'émigration russe, professeurs des universités. Des catholiques viennent enseigner la langue latine. J'enseigne le grec et la théologie dogmatique.
— Oui, c’est un système unique … Quels sont ses atouts ?
— Le but de ce système est de cumuler la formation laïque et spirituelle. L'Eglise orthodoxe russe a, ces dernières années, envoyé beaucoup d’étudiants se former dans des établissements d'enseignement publics européens, en les laissant parfois sans accompagnement spirituel. Et le séminaire russe cumule pour la première fois l'enseignement dans les établissements d'enseignement publics, et le maintien du cadre de la formation spirituelle de l'Eglise orthodoxe russe. L'étudiant reçoit donc deux formations — universitaire et religieuse. Cela lui permet, d'une part, de faire connaissance avec le milieu universitaire, avec ses défis, et c'est très important pour le croyant, parce qu'il se heurte là à des non croyants, aux gens d’autres cultures, d'autres religions. Et en même temps, il affermit ses racines spirituelles, éprouve la solidité de sa foi. D'autre part, le séminaire aide à supporter le choc culturel que l’étudiant peut éprouver en se retrouvant dans un autre milieu, mais il ne s’enferme pas uniquement à l'intérieur de sa propre confession : en tant que futur pasteur, il entre en contact avec les gens, avec qui à lui il lui faudra communiquer par la suite. Notre système est semblable à la méthode du forgeage de l'épée : de chaud à froid et vice versa.
— Au sein du séminaire, les étudiants ont également des charges complémentaires ?
— Oui, certes. D’abord, le jour commence chez nous par la divine liturgie — à laquelle tous assistent, sauf s’ils ont des raisons valables d’absence. Le jour s’achève par la célébration des vêpres. Souvent nous ne devons obliger personne : les jeunes gens viennent toujours volontiers eux-mêmes. Plusieurs d’entre eux chantent, certains servent à l’autel, ceux revêtus des ordres sacrés officient, chacun à leur tour.
Par ailleurs, il y a des charges en matière d’organisation de la vie intérieure de séminaire, par exemple, dans la salle à manger. Nous essayons d’envoyer régulièrement nos étudiants dans des paroisses de France. Notre chœur accompagne parfois des pèlerinages vers des saints lieux chrétiens, aide parfois dans les paroisses lors des fêtes paroissiales ou dans quelques autres cas solennels.
— Y a-t-il un journal, une revue, du Séminaire de Paris ?
— Oui. Depuis près de quatre ans, nous publions en France le Messager de l'Eglise orthodoxe Russe renouvelé — il sort en français, c’est un trimestriel. Nous publions aussi une petite revue d'étudiants en français et russe sous forme électronique.
— Vous vivez parmi les gens avec une autre mentalité, très différente de la mentalité russe. Quelle est leur réaction à l’égard du séminaire, de vos élèves, de vous-même ?
— En général, je dois dire par expérience - je vis en Europe depuis 12 ans déjà - que les Français éprouvent envers nous un grand intérêt, un grand respect pour la culture russe, et en particulier, l’Orthodoxie russe. Nous sentons une vraie sympathie de la société française envers l'Eglise orthodoxe. Quand le projet de notre séminaire a été lancé, beaucoup de Français ont réagi très positivement. La critique est plutôt venue du côté russe. Les Français nous soutenaient, comme ils pouvaient - catholiques et orthodoxes. Les croyants orthodoxes étaient heureux d’avoir une école théologique dans leur pays, où les prêtres se formeront pour eux ; en effet, en Europe occidentale, il y a actuellement un manque criant des pasteurs orthodoxes.
— Comment fonctionne votre petite communauté au Séminaire ? Je pense que les relations collectives sont construites chez vous un peu autrement que dans les grandes écoles de théologie ?
— Il y a certes une grande différence. Nous avons tâché de faire en sorte qu’entre la direction du séminaire et chaque étudiant s’établissent des relations personnelles. Chez nous, chaque étudiant est visible, et en quelques années d’études il devient tout à fait transparent pour l’évêque, pour la direction du séminaire, ce qui, vu les particularités du ministère ecclésial, est très important. Il est nécessaire que la personne qui présidera une paroisse orthodoxe, bénéficie d’une confiance absolue de la hiérarchie ecclésiale.
Le fait que le séminaire soit petit change la relation entre les étudiants eux-mêmes. Nous nous efforçons d’éduquer les étudiants non tant dans une atmosphère de peur de la punition et dans l’observation de la discipline, que dans une atmosphère de responsabilité pour ce qu’ils représentent eux-mêmes. Nous leur expliquons que tout pas erroné de leur part se répercutera sur la réputation de l’Eglise orthodoxe russe dans son ensemble et sur l’image des pays qu’ils représentent. On juge l’Église à travers eux, on juge leurs pays, et c’est une particularité du séjour à étranger, dans un milieu culturellement différent.
— Dans les murs du séminaire sont réunis des gens des différentes cultures : comment s’entendent-ils les uns avec les autres ? Je pense que l’Ukrainien et le Russe peuvent se comprendre, mais comment faire avec le Colombien ou le Haïtien ? En effet, même la perception du monde diffère chez les représentants des différents peuples.
— Oui, c’est cela. Dans ce domaine, nous avons eu des difficultés. Les garçons formaient des groupuscules ethniques. Nous luttons contre cela, pour montrer l’universalité de l’Orthodoxie, pour montrer que la foi en Christ transfigure la personne à tel point que, tout en continuant à porter une culture nationale concrète, elle comprend que la foi en Christ est plus forte. Et que dans Christ, il n’y a ni Grec, ni Juif, ni masculin, ni féminin.
Nous nous efforçons de créer les conditions pour que chaque culture se manifeste en plénitude, et montre ce qu'elle a précieux, mais ne limite pas la liberté et l’expression des gens d’une autre culture. D’habitude, nous célébrons toutes les fêtes ensemble — celles que fêtent les Africains, et celles que fêtent les Français, les Russes, les Moldaves et les Ukrainiens. Nous tâchons de découvrir les uns aux autres. Et chaque culture montre ce qu’elle a de meilleur, de plus proche du Christ et de l’Évangile.
Tous nos étudiants proviennent de pays avec une histoire compliquée, avec une situation économique et politique difficile. Nous apprenons l'un de l'autre de nouvelles choses, nous partageons nos difficultés. Et cela nous aide à nous rendre compte de la valeur de ce don que Dieu nous a fait nous ayant placés tous ensemble sous un même toit.
— Père Alexandre, comment se fait-il que vous soyez devenu recteur du séminaire orthodoxe russe à Paris ? Racontez-nous un peu votre parcours.
—Tout fut très simple pour moi : j’ai toujours aspiré à la vie monastique et, après la sortie de l’école, le lendemain de la réception du diplôme, je suis parti pour le monastère Ipatiev de Kostroma. Là j’ai vécu une année, avant que Mgr Alexandre, alors archevêque de Kostroma, maintenant métropolite du Kazakhstan, m’envoie en formation en France. J’ai étudié à l’Institut catholique de Toulouse, à l’Ecole pratique des hautes études (Paris), où j’ai soutenu mes thèses de DEA et de doctorat, et à l'institut de théologie orthodoxe Saint-Serge, où j’ai défendu ma maîtrise. Quand surgit l’idée de la création d’un séminaire orthodoxe en France, l'archevêque Innocent de Chersonèse (maintenant, archevêque de Vilnius et de Lituanie) m’a proposé de diriger cette école théologique. La décision du Saint-Synode suivit.
Le rectorat est pour moi est une expérience immense, qui me donne beaucoup. Certes, nous avons déjà vécu une grande quantité d’épreuves, de difficultés, nous nous sommes heurtés à un nombre indescriptible de problèmes. Mais, par la grâce de Dieu, tout cela est passé, même si, évidemment, bien des choses sont encore devant nous — le séminaire est très jeune et doit s’affermir.
Le séminaire russe fut créé, il y a quatre ans, par le Saint-Synode de l'Eglise orthodoxe russe, à l'initiative du Patriarche Cyrille, alors encore métropolite de Smolensk et de Kaliningrad. Il a ouvert ses portes, proprement dit, il y a deux ans. Récemment, nous avons entamé la troisième année académique au séminaire.
— Où se trouve, géographiquement, votre Séminaire à Paris ?
— Géographiquement, le Séminaire se trouve en banlieue parisienne. Une ligne du RER y mène — 25 minutes du centre de Paris, ce qui est, pour les Français, considérable. Par contre, c'est habituel pour les Russes familiers des distances immenses de Moscou.
Le séminaire s'est installé dans un ancien couvent catholique, qu’occupaient auparavant les Sœurs Auxiliatrices. D'abord, nous louions les locaux, mais le 1er août de cette année, l'Église russe est devenue le propriétaire de la Maison et du territoire adjacent. Maintenant nous avons un bâtiment assez grand, avec 25 chambres d'étudiant, cinq chambres pour les prêtres et les professeurs venant au séminaire et presque quatre hectares du parc. Cette année, nous avons entrepris la construction d’une église en bois, qui deviendra l’image de l’architecture traditionnelle russe.
— Pour l’instant, l’église du Séminaire est située dans un local aménagé ?
— Oui, au séminaire, il y a une église domestique dans un local aménagé, que nous modifions maintenant entièrement. À l'intérieur, il est peint à fresque. L'étape suivante est l'installation de l'iconostase, qui vient d’arriver chez nous des ateliers de la laure de la Trinité-Saint-Serge. Nous voudrions que cette église devienne une église idéale de la tradition orthodoxe russe, pour que l'on puisse, notamment, la montrer aux visiteurs.
L’église du séminaire était dédiée, encore à l’époque des Sœurs Auxiliatrices, à la mémoire de Sainte Geneviève de Paris, une sainte du VIe siècle, fort vénérée dans l'émigration russe. Sainte Geneviève est vénérée tant par les orthodoxes que les catholiques. Nous avons décidé de conserver cette dédicace et consacrer également l’autel de notre église en l'honneur de saint Martin le Confesseur, pape de Rome, qui a lutté avec l’hérésie monothélyte ; et comme il est mort à Chersonèse, nous le considérons comme l’un des saints patrons du diocèse de Chersonèse.
— Y a-t-il beaucoup d’étudiants au Séminaire ?
— Cette année, 22 personnes étudient chez nous ; chaque année nous acceptons en moyenne près de sept personnes, parfois un peu plus. La plupart de nos étudiants viennent de Russie, mais il y a aussi des jeunes gens d'Ukraine, de Moldavie, de l'émigration russe en Europe occidentale. Trois de nos élèves sont des représentants d’autres cultures, convertis à l'Orthodoxie : un Colombien (ordonné diacre l'année passée), un Ghanéen (ordonné prêtre du Patriarcat d’Alexandrie il y a quelques semaines), et un Haïtien de la mission de l'Église russe hors-frontières à Haïti, qui attend encore son visa français.
La langue de contact au Séminaire est le français. Deux tiers de l’office divin sont célébrés dans cette langue.
— Qui enseigne au Séminaire ?
—Du point de vue de l'enseignement, notre Séminaire est particulier. Le fait est que nos séminaristes passent le principal de leur enseignement — environ 2/3 de toutes leurs études — dans une des universités parisiennes : soit à la Sorbonne (aussi bien à Paris IV qu’à l’EPHE), soit à l'institut Saint-Serge, soit à l’Institut catholique de Paris. Seulement un tiers des études se déroulent à l'intérieur même du séminaire : ce qu’il est nécessaire de connaître aux futurs pasteurs selon les standards du comité pédagogique de l'Eglise orthodoxe russe y est enseigné. Nos professeurs sont des membres du clergé du diocèse de Chersonèse et des diocèses voisins, des laïcs — représentants de l'émigration russe, professeurs des universités. Des catholiques viennent enseigner la langue latine. J'enseigne le grec et la théologie dogmatique.
— Oui, c’est un système unique … Quels sont ses atouts ?
— Le but de ce système est de cumuler la formation laïque et spirituelle. L'Eglise orthodoxe russe a, ces dernières années, envoyé beaucoup d’étudiants se former dans des établissements d'enseignement publics européens, en les laissant parfois sans accompagnement spirituel. Et le séminaire russe cumule pour la première fois l'enseignement dans les établissements d'enseignement publics, et le maintien du cadre de la formation spirituelle de l'Eglise orthodoxe russe. L'étudiant reçoit donc deux formations — universitaire et religieuse. Cela lui permet, d'une part, de faire connaissance avec le milieu universitaire, avec ses défis, et c'est très important pour le croyant, parce qu'il se heurte là à des non croyants, aux gens d’autres cultures, d'autres religions. Et en même temps, il affermit ses racines spirituelles, éprouve la solidité de sa foi. D'autre part, le séminaire aide à supporter le choc culturel que l’étudiant peut éprouver en se retrouvant dans un autre milieu, mais il ne s’enferme pas uniquement à l'intérieur de sa propre confession : en tant que futur pasteur, il entre en contact avec les gens, avec qui à lui il lui faudra communiquer par la suite. Notre système est semblable à la méthode du forgeage de l'épée : de chaud à froid et vice versa.
— Au sein du séminaire, les étudiants ont également des charges complémentaires ?
— Oui, certes. D’abord, le jour commence chez nous par la divine liturgie — à laquelle tous assistent, sauf s’ils ont des raisons valables d’absence. Le jour s’achève par la célébration des vêpres. Souvent nous ne devons obliger personne : les jeunes gens viennent toujours volontiers eux-mêmes. Plusieurs d’entre eux chantent, certains servent à l’autel, ceux revêtus des ordres sacrés officient, chacun à leur tour.
Par ailleurs, il y a des charges en matière d’organisation de la vie intérieure de séminaire, par exemple, dans la salle à manger. Nous essayons d’envoyer régulièrement nos étudiants dans des paroisses de France. Notre chœur accompagne parfois des pèlerinages vers des saints lieux chrétiens, aide parfois dans les paroisses lors des fêtes paroissiales ou dans quelques autres cas solennels.
— Y a-t-il un journal, une revue, du Séminaire de Paris ?
— Oui. Depuis près de quatre ans, nous publions en France le Messager de l'Eglise orthodoxe Russe renouvelé — il sort en français, c’est un trimestriel. Nous publions aussi une petite revue d'étudiants en français et russe sous forme électronique.
— Vous vivez parmi les gens avec une autre mentalité, très différente de la mentalité russe. Quelle est leur réaction à l’égard du séminaire, de vos élèves, de vous-même ?
— En général, je dois dire par expérience - je vis en Europe depuis 12 ans déjà - que les Français éprouvent envers nous un grand intérêt, un grand respect pour la culture russe, et en particulier, l’Orthodoxie russe. Nous sentons une vraie sympathie de la société française envers l'Eglise orthodoxe. Quand le projet de notre séminaire a été lancé, beaucoup de Français ont réagi très positivement. La critique est plutôt venue du côté russe. Les Français nous soutenaient, comme ils pouvaient - catholiques et orthodoxes. Les croyants orthodoxes étaient heureux d’avoir une école théologique dans leur pays, où les prêtres se formeront pour eux ; en effet, en Europe occidentale, il y a actuellement un manque criant des pasteurs orthodoxes.
— Comment fonctionne votre petite communauté au Séminaire ? Je pense que les relations collectives sont construites chez vous un peu autrement que dans les grandes écoles de théologie ?
— Il y a certes une grande différence. Nous avons tâché de faire en sorte qu’entre la direction du séminaire et chaque étudiant s’établissent des relations personnelles. Chez nous, chaque étudiant est visible, et en quelques années d’études il devient tout à fait transparent pour l’évêque, pour la direction du séminaire, ce qui, vu les particularités du ministère ecclésial, est très important. Il est nécessaire que la personne qui présidera une paroisse orthodoxe, bénéficie d’une confiance absolue de la hiérarchie ecclésiale.
Le fait que le séminaire soit petit change la relation entre les étudiants eux-mêmes. Nous nous efforçons d’éduquer les étudiants non tant dans une atmosphère de peur de la punition et dans l’observation de la discipline, que dans une atmosphère de responsabilité pour ce qu’ils représentent eux-mêmes. Nous leur expliquons que tout pas erroné de leur part se répercutera sur la réputation de l’Eglise orthodoxe russe dans son ensemble et sur l’image des pays qu’ils représentent. On juge l’Église à travers eux, on juge leurs pays, et c’est une particularité du séjour à étranger, dans un milieu culturellement différent.
— Dans les murs du séminaire sont réunis des gens des différentes cultures : comment s’entendent-ils les uns avec les autres ? Je pense que l’Ukrainien et le Russe peuvent se comprendre, mais comment faire avec le Colombien ou le Haïtien ? En effet, même la perception du monde diffère chez les représentants des différents peuples.
— Oui, c’est cela. Dans ce domaine, nous avons eu des difficultés. Les garçons formaient des groupuscules ethniques. Nous luttons contre cela, pour montrer l’universalité de l’Orthodoxie, pour montrer que la foi en Christ transfigure la personne à tel point que, tout en continuant à porter une culture nationale concrète, elle comprend que la foi en Christ est plus forte. Et que dans Christ, il n’y a ni Grec, ni Juif, ni masculin, ni féminin.
Nous nous efforçons de créer les conditions pour que chaque culture se manifeste en plénitude, et montre ce qu'elle a précieux, mais ne limite pas la liberté et l’expression des gens d’une autre culture. D’habitude, nous célébrons toutes les fêtes ensemble — celles que fêtent les Africains, et celles que fêtent les Français, les Russes, les Moldaves et les Ukrainiens. Nous tâchons de découvrir les uns aux autres. Et chaque culture montre ce qu’elle a de meilleur, de plus proche du Christ et de l’Évangile.
Tous nos étudiants proviennent de pays avec une histoire compliquée, avec une situation économique et politique difficile. Nous apprenons l'un de l'autre de nouvelles choses, nous partageons nos difficultés. Et cela nous aide à nous rendre compte de la valeur de ce don que Dieu nous a fait nous ayant placés tous ensemble sous un même toit.