Discours du P. Alexandre Siniakov, recteur du Séminaire, à la cérémonie de clôture de l'année académique 2013-2014



Voici le texte intégral du discours prononcé par le P. Alexandre Siniakov, recteur du Séminaire, à la cérémonie de clôture de l'année académique 2013-2014, le 27 juin 2014:


Cinq ans de miracles, d’actions exaltantes, mais aussi de peines et de combats nous séparent du jour – c’était le 31 août 2009 – où nous avons reçu les clefs de la Maison Sainte-Geneviève des mains des sœurs Auxiliatrices et du moment où les premiers de nos séminaristes se sont installés, à leur place, à Épinay-sous-Sénart. Notre joie fut celle d’œuvrer à un projet apostolique dont nous croyions qu’il serait agréable à Dieu ; c’est la joie d’offrir à de jeunes gens qui ont décidé de donner leur vie au Christ les moyens d’étudier et de découvrir de nouveaux horizons. Notre combat fut et reste celui de montrer le bien-fondé pour de futurs prêtres d’étudier dans un contexte universitaire laïc, de s’ouvrir à des sciences dites profanes (sans oublier, bien sûr, celles qui touchent à la théologie et à l’héritage de l’Église), de rencontrer et de se lier d’amitié avec des chrétiens d’autres Églises, avec des croyants d’autres religions, avec des personnes qui ont des convictions différentes des nôtres.

Qui aurait cru, il y a encore six ans, qu’en région parisienne il y aurait un séminaire orthodoxe du patriarcat de Moscou ? Pourtant, il y avait un remarquable précédent : ce sont le séminaire et la communauté monastique qui ont existé de 1958 à 1963 à Villemoisson, sous le patronage de Mgr Nicolas Eremine, métropolite de Chersonèse, exarque du patriarche de Moscou en Europe occidentale. Cet établissement qui a succédé aux cours pastoraux auprès de l’église des Trois-Saints-Docteurs à Paris et était dirigé par Mgr Alexis van der Mensbrugghe, formait des futurs prêtres, mais aussi des théologiens laïcs. Parmi ses enseignants figuraient le P. Lev Liperovsky, le P. Sophrony Sakharov, le P. Dimitri Sobolev, Vladimir Lossky, Léonide Ouspensky. L’étonnante histoire de cette institution – véritable prédécesseur de notre séminaire – est brillamment décrite par Victor Smirnov dans le numéro 2014 de Slavonika, notre revue annuelle.

Cinq ans, c’est exactement la période pendant laquelle le séminaire de Villemoisson a survécu. Notre séminaire est en train de franchir ce cap décisif. Je suis convaincu que les prières de nos prédécesseurs nous aident, autant que leur expérience. Mais nous ne serions même pas arrivés à ce seuil s’il n’y avait pas la confiance et le soutien du patriarche Cyrille. Comme aux belles heures de la communauté de Villemoisson, le lien avec l’Église-mère est la garantie de la stabilité pour notre séminaire et sa vitalité dépend de la force de la communion que nous entretenons avec le patriarcat, avec nos diocèses d’origines, avec les séminaires et les académies de théologie de notre Église.

Il est évident aussi que notre séminaire ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui sans la fidélité de nos bienfaiteurs, parmi lesquels Mme Irina Abramovich occupe, avec une admirable constance, la première place. La persévérance de notre évêque et le travail dévoué de nos formateurs méritent d’être salués également, ainsi que l’engagement généreux de nos bénévoles laïcs, toujours de plus en plus diligents et de plus en plus nombreux. Nous avons plus que jamais besoin de vous tous, de votre amitié et de votre constance.


Résultats

En cinq ans, notre Séminaire a formé onze séminaristes en interne et une douzaine de personnes qui ont suivi la formation externe. Cette année, deux de nos élèves achèvent leur formation : il s’agit de Stanislav Chernov qui soutiendra en septembre son mémoire de master, consacré à Olivier Clément et préparé sous la direction de M. Pierre Gonneau à l’École pratique des hautes études ; et d’Andrey Gudko qui termine sa licence de théologie à l’Institut catholique de Paris. Par ailleurs, Sergey Volkov a fini sa licence de philosophie à l’Université Paris-Sorbonne et continue en master à l’EHESS.

Sept de nos séminaristes ont soutenu avec succès leurs mémoires dans le cadre du Diplôme universitaire (DU) « Interculturalité, religions, laïcité ». Leurs résultats plus que satisfaisants furent salués par les responsables de la formation et de l’Institut catholique de Paris au cours de la cérémonie de remise des diplômes présidée par le recteur de l’Institut, Mgr Philippe Bordeyne. Leurs travaux sont présentés dans le numéro 2014 de Slavonika.

J’aimerais aussi vous donner les réjouissantes nouvelles de nos élèves de la promotion de l’an dernier – ceux à qui notre séminariste Alexey Vozniuk a dédié un si beau film toujours accessible sur le site internet du séminaire. Georgy Babayan travaille à la Commission patriarcale de la culture aux côtés de l’archimandrite Tikhon, supérieur du monastère Sretensky de Moscou. Alexey Vlasov enseigne l’histoire de l’Église au séminaire du même monastère. Enfin, Ivan Dimitrov doit prochainement se marier et vient d’être affecté dans notre diocèse de Chersonèse. Et Victor Smirnov a été, tout au long de cette année, un soutien irremplaçable et un collaborateur d’une rare efficacité ici, dans notre séminaire. Tous, à l’exception de Georgy, poursuivent leurs études en doctorat à l’École pratique. Cela leur donne l’occasion de revenir régulièrement au séminaire.

Nous avons reçu, il y a quelques semaines, un groupe des fidèles de la paroisse de notre diocèse à la Martinique, conduit par le P. Jean-Denis Rano, un autre ancien élève du séminaire. C’étaient des retrouvailles joyeuses : pendant une dizaine de jours nos amis martiniquais ont partagé quotidiennement la vie liturgique du séminaire, ce qui a tissé un lien entre leur communauté paroissiale et notre école qui est très précieux. C’est le lien que nous aimerions avoir avec chacune des paroisses et des communautés de notre diocèse.

Un de nos séminaristes – Gesnel Augustin – a été ordonné diacre cette année, pendant la fête patronale de l’église des Trois-Saints-Docteurs à Paris. Le diacre Augustin continue sa formation, à l’issue de laquelle il rejoindra sa famille et sa paroisse en Haïti.

Notre inspecteur, le P. Serge Borski, a été nommé recteur de la paroisse de Tous-les-Saints à Lisbonne. Il reste cependant formateur du séminaire. Nous espérons qu’il continuera à venir tous les mois pour les sessions en Ancien Testament. Nous espérons aussi que le groupe de nos formateurs sera rejoint, cette année, par le P. Leonid Grillihes, recteur de l’église Saint-Job à Bruxelles et ancien professeur de l’académie de théologie de Moscou.

Cette année nous avons expérimenté l’implication de nos séminaristes aînés au tutorat à l’enseignement de certaines disciplines, notamment linguistiques, à leurs confrères du cycle propédeutique et pastoral. Je crois que c’est un modèle qui fonctionne bien et est réciproquement utile. Il permet surtout de faire face à la pénurie des enseignants pour certaines matières.

Le séminaire de master de cette année consacré aux Grands théologiens orthodoxes du XXe siècle, dirigé par le P. Nicolas Cernokrak et le P. Serge Model, fut une belle réussite. De nombreux spécialistes sont intervenus dans ce cadre ; la plupart des cours se déroula à l’Institut Saint-Serge, ce qui a permis à nos séminaristes de découvrir cette vénérable institution. Nous avons même rêvé que ce séminaire fût une initiative commune à l’Institut et à notre école ; c’était peut-être un peu trop audacieux, à cette étape-là.

Nos séminaristes ont continué cette année à prendre une part active dans le travail de la Commission interconfessionnelle de l’Essonne. Ils ont participé à de nombreux événements réunissant des chrétiens de différentes communautés de notre département. Nos liens avec le Séminaire Saint-Sulpice d’Issy-les-Moulineaux se renforcent également et les échanges entre nos deux communautés se poursuivent chaque semestre ; leurs résonances sont présentées dans le dernier numéro de Slavonika.

Enfin, le 3 juillet prochain la Commission d’admission de notre séminaire auditionnera les nouveaux candidats. Elle suggérera aussi au Patriarche des pistes pour l’insertion de nos élèves qui terminent leur formation cette année.


Publications

Une grande nouveauté de cette année académique est l’activité éditoriale du séminaire qui occupe désormais une place importante dans la vie de notre communauté.

Grâce au soutien de Mme Laurence Toumanoff, nous avons publié, dès le début de l’année, des cartes postales avec l’ensemble des grandes icônes de l’iconostase de notre église Saint-Martin-Sainte-Geneviève.

Plus tard, le séminaire a fait paraître la Liturgie de Saint Jacques, frère du Seigneur, en slavon et en français. D’autres livres liturgiques sont prévus.

En février, les éditions Sainte-Geneviève, créées par notre diocèse et le séminaire, ont publié un livre du patriarche Cyrille, La conversion au Royaume de Dieu. Il regroupe ses plus belles homélies consacrées à la période du Carême de Pâques – le Grand Carême.

Cette année, grâce à la persévérance de l’évêque Nestor et au travail plein d’enthousiasme de plusieurs de nos séminaristes – notamment Dimitri Garmonov et Daniel Naberezhnyy - le Messager de l’Église orthodoxe russe, revue trimestrielle du diocèse de Chersonèse, est rené. Le dossier du premier numéro de cette année était consacré au regard chrétien sur le phénomène des « mères porteuses ». Celui du prochain numéro est dédié à la perspective du concile panorthodoxe.


Projets

Plusieurs projets éditoriaux sont en cours de réalisation. D’abord, un livre consacré aux fresques et aux icônes de notre église domestique Saint-Martin-Sainte-Geneviève. Il sera coédité par les Éditions Sainte-Geneviève et la Mairie d’Épinay-sous-Sénart et paraîtra pour les prochaines Journées du patrimoine (20-21 septembre 2014). Une explication de la divine liturgie dans la traduction de M. Michel Aubry, une monographie sur l’histoire de la diaspora orthodoxe russe de M. Nicolas Ross, un livre du P. Serge Model sont en préparation.

Un autre grand projet concentre notre attention et nos efforts : les dernières étapes de l’aménagement de l’église en bois dans notre parc et la préparation pour sa consécration prévue le 21 septembre prochain, sa fête patronale, la Nativité de la Mère de Dieu (dans le calendrier julien). Il reste encore à installer l’iconostase, qui est déjà prête et livrée, à aménager les accès de l’église et ses alentours.

La date du 21 septembre est celle de notre prochain rendez-vous et nous vous invitons d’ores et déjà à vous joindre à nous pour cette solennité qui marquera le début de la sixième année académique au séminaire.

*

Avant de passer à la conclusion, je voulais dire que, pendant la belle liturgie de ce jour, j’ai pensé particulièrement à l’Institut Saint-Serge qui élit en ce moment même son nouveau doyen. Puisse le Seigneur guider nos confrères de la rue de Crimée dans leur choix et les aider, avec le doyen qu’ils éliront, à continuer à faire vivre l’Institut, malgré toutes les difficultés, que toutes nos institutions ecclésiales peuvent rencontrer, pour le grand bien de la mission de l’unique Église orthodoxe.

Pour finir, permettez-moi de vous faire part d’une belle petite découverte que j’ai faite hier grâce au P. Serge Borski. Nous célébrons aujourd’hui, selon le calendrier julien, la mémoire du prophète Elisée, une des plus belles figures de l’Ancien Testament. Pour marquer sa mémoire, j’ai proposé aux séminaristes, hier soir, de lire un extrait du deuxième livre des Rois : le récit de l’assainissement du potage empoisonné (4, 38-41). Cet épisode commence ainsi : « Elisée revint à Guilgal. La famine régnait alors dans le pays. Comme les fils de prophètes se tenaient assis devant lui, il dit à son serviteur : ‘Prépare la grande marmite et fais cuire un bouillon pour les fils de prophètes.’ » Je me suis demandé qui sont ces fils de prophètes. Le P. Serge nous a expliqué que ce sont les élèves des écoles prophétiques, les disciples des prophètes aspirant à cette forme particulière du ministère de la parole dans le peuple de Dieu : ce sont donc, d'une certaine façon, les séminaristes de l’époque d’Élisée. Je trouve cette expression splendide : des fils de prophètes. C’est donc là-dessus que j’aimerais terminer, en rappelant à nos séminaristes qu’ils sont fils de prophètes, fils de prêtres, fils de rois et, surtout, fils de Dieu. Ils partagent cette dignité avec le reste du peuple de Dieu, mais ils sont appelés à la manifester d’une manière particulière, en donnant leur vie aux autres, pour en retrouver une – éternelle et bienheureuse – dans le Royaume du Père. Puisse le Seigneur les conforter dans ce choix et les accompagner sur cette voie.


Alexandre Siniakov, hiéromoine,
docteur en lettres grecques de l'École pratique des hautes études

Samedi 28 Juin 2014
Alexandre Siniakov