« Sois sans crainte, petit troupeau, car votre Père s’est complu à vous donner le Royaume » (Lc 12, 32). Ces paroles du Seigneur que nous avons entendues, chers frères et sœurs, tout au début de la lecture évangélique de ce jour, sont la conclusion d’un passage de l’Evangile de Luc consacré à l’enseignement du Seigneur sur l’abandon à la Providence. Une fois de plus l’Evangile du Christ nous rappelle que la crainte est incompatible avec la foi chrétienne. Il y a deux choses qui sont antinomiques à la foi dans la Providence de Dieu : c’est la peur et la cupidité. D’ailleurs, l’enseignement sur l’abandon à la providence est suivi chez Luc par l’appel du Seigneur à vendre les biens terrestres dans la recherche du trésor inépuisable dans les cieux.
Ainsi, si nous croyons vraiment en Dieu qui a tiré du néant un univers sublime par le débordement de son amour et de sa bonté ; si nous croyons qu’il a pourvu son œuvre de tout ce dont elle a besoin pour être parfaite ; si nous croyons dans le Dieu dont la Providence n’est que miséricorde, nous ne pouvons avoir peur, sinon celle de se révéler indigne du don si extraordinaire de la vie. Le chrétien qui croit dans le Père dont le Fils est devenu homme pour nous sauver et nous préparer à recevoir l’Esprit, ne doit pas être troublé par l’abattement et la crainte. Il sait que la Providence divine qui l’a tiré du néant ne l’abandonnera jamais et, pour peu qu’il l’accepte, rendra son existence heureuse dans le Royaume que Dieu nous donne aussi gracieusement que la vie.
La Providence de Dieu est le sujet d’un des chapitres du livre le plus connu de saint Jean Damascène, cet illustre Père de l’Eglise du VIIIe siècle que nous célébrons aujourd’hui et que certains historiens occidentaux considèrent comme le dernier représentant de l’âge d’or patristique. Dans son traité de « La foi orthodoxe » un chapitre est consacré à la Providence de Dieu. Cette dernière y est traitée d’une façon remarquable, très spéculative (comme l’est du reste toute l’œuvre de Jean Damascène). Saint Jean rappelle bien sûr que la Providence divine, étant la volonté et la pensée du Dieu-Amour, pensée qui est nécessairement acte créateur, cette Providence divine envers l’homme n’a d’autre fin que son salut et son intégration dans le Royaume éternel : « Il faut savoir que Dieu primitivement veut que tous soient sauvés et parviennent à son royaume. Il ne nous a pas créés pour le châtiment, mais pour la participation à sa bonté, parce qu’il est bon ». Trois remarques de saint Jean Damascène sur la divine Providence méritent, à mon sens, d’être rappelées maintenant.
D’abord, Jean Damascène souligne que la Providence de Dieu s’exerce de deux façons : par le bon plaisir et par la permission. Dans le premier cas, il s’agit du bien que Dieu fait immédiatement à ses créatures. Dans le deuxième cas, sa Providence se manifeste en laissant arriver certains événements apparemment malheureux ou tragiques qui sont pour la plupart des phénomènes naturels ou l’expression du libre arbitre de l’homme. Mais, comme le précise Damascène, Dieu « permet que s’accomplisse quelque action exorbitante, pour que par cette action apparemment exorbitante s’effectue quelque grande merveille, comme le salut des hommes par la croix ».
Deuxièmement, il rappelle une chose extrêmement importante au sujet de la liberté de l’homme. Il y a une sorte de paradoxe dans notre nature : nous sommes à la fois libres, à l’image de Dieu, mais nous restons néanmoins des créatures soumises à un ordre universel et spirituel qui nous dépasse. De là découle que notre liberté consiste principalement dans le choix entre l’obéissance ou la révolte par rapport à la volonté du Maître de l’univers ou, en d’autres termes, dans le choix entre le bien et le mal. L’homme choisit de faire quelque chose, mais il n’y parvient qu’avec l’assistance ou la permission de Dieu. Si nous choisissons le bien, nous l’accomplissons avec l’aide de Dieu ; si nous choisissons le mal, nous nous y exerçons parce que Dieu nous laisse faire, respectueux de notre liberté et nous abandonnant à notre choix. Voici ce qu’en dit saint Jean Damascène : « Il faut reconnaître que décider ce que l’on doit faire dépend de nous, mais que l’achèvement en matière de bien relève de l’assistance divine, laquelle dans sa justice coopère avec ceux qui, selon la droiture de leur conscience, ont choisi le bien, conformément à sa préscience. Par contre, l’achèvement en matière de mal relève de l’abandon par Dieu, qui derechef, conformément à sa préscience, abandonne avec justice ». Dieu s’en remet ainsi à notre libre-arbitre puisque, comme le dit Damascène, il sait que ce qui se produit par violence n’est ni rationnel ni vertueux. Obliger l’homme à faire le bien contre son gré est contraire à l’amour que Dieu porte à l’homme qu’il a créé à son propre image et à sa ressemblance.
Enfin, en troisième lieu, Jean Damascène reconnaît deux formes de l’abandon de Dieu : un abandon qui entre dans le plan divin et qui est pédagogique et un abandon qui est reniement total. Je vous cite de nouveau Damascène : « L’abandon en vertu du plan divin et pédagogique est celui qui vise à la correction, au salut et à la gloire du patient ou bien tend à l’émulation d’autrui, à son imitation ou à la gloire de Dieu. Le reniement total a lieu quand Dieu a tout fait pour le salut d’un homme qui reste insensible, inguérissable, voire intraitable, de par son propre choix ».
Ainsi, n’oublions pas, comme nous le conseille saint Jean Damascène, que toutes les sombres épreuves, toutes les apparentes tragédies qui arrivent dans nos vies conduisent au salut de ceux qui les accueillent avec gratitude. Notre monde est ainsi : la souffrance y précède la joie, la douleur est précurseur de la naissance, l’épreuve y est nécessaire pour la perfection. La Providence de Dieu a donc trois caractéristiques : elle est infiniment bonne, mais elle est aussi juste, c’est-à-dire respectueuse des lois de la création et de la liberté des êtres raisonnables, aussi bien spirituels qu’humains ; enfin, elle est universelle. Ecoutez encore Jean Damascène : « Dieu veut primitivement ce qui est bien et y prend plaisir ; pour ce qui est pervers et mauvais, il ne le veut ni primitivement ni par voie de conséquence. Il s’en remet au libre arbitre… Dieu exerce sa providence sur toute la création, répandant les bienfaits et l’enseignement au moyen de toute la création, souvent même au moyen des démons, comme dans le cas de Job et des pourceaux ». Alors, frères et sœurs, soyez sans crainte et veillez : le Père s’est complu à vous donner aussi bien la vie que le Royaume. Remettez-vous à sa Providence et vous entrerez dans le Royaume du Christ lorsqu’il reviendra dans la gloire.
Ainsi, si nous croyons vraiment en Dieu qui a tiré du néant un univers sublime par le débordement de son amour et de sa bonté ; si nous croyons qu’il a pourvu son œuvre de tout ce dont elle a besoin pour être parfaite ; si nous croyons dans le Dieu dont la Providence n’est que miséricorde, nous ne pouvons avoir peur, sinon celle de se révéler indigne du don si extraordinaire de la vie. Le chrétien qui croit dans le Père dont le Fils est devenu homme pour nous sauver et nous préparer à recevoir l’Esprit, ne doit pas être troublé par l’abattement et la crainte. Il sait que la Providence divine qui l’a tiré du néant ne l’abandonnera jamais et, pour peu qu’il l’accepte, rendra son existence heureuse dans le Royaume que Dieu nous donne aussi gracieusement que la vie.
La Providence de Dieu est le sujet d’un des chapitres du livre le plus connu de saint Jean Damascène, cet illustre Père de l’Eglise du VIIIe siècle que nous célébrons aujourd’hui et que certains historiens occidentaux considèrent comme le dernier représentant de l’âge d’or patristique. Dans son traité de « La foi orthodoxe » un chapitre est consacré à la Providence de Dieu. Cette dernière y est traitée d’une façon remarquable, très spéculative (comme l’est du reste toute l’œuvre de Jean Damascène). Saint Jean rappelle bien sûr que la Providence divine, étant la volonté et la pensée du Dieu-Amour, pensée qui est nécessairement acte créateur, cette Providence divine envers l’homme n’a d’autre fin que son salut et son intégration dans le Royaume éternel : « Il faut savoir que Dieu primitivement veut que tous soient sauvés et parviennent à son royaume. Il ne nous a pas créés pour le châtiment, mais pour la participation à sa bonté, parce qu’il est bon ». Trois remarques de saint Jean Damascène sur la divine Providence méritent, à mon sens, d’être rappelées maintenant.
D’abord, Jean Damascène souligne que la Providence de Dieu s’exerce de deux façons : par le bon plaisir et par la permission. Dans le premier cas, il s’agit du bien que Dieu fait immédiatement à ses créatures. Dans le deuxième cas, sa Providence se manifeste en laissant arriver certains événements apparemment malheureux ou tragiques qui sont pour la plupart des phénomènes naturels ou l’expression du libre arbitre de l’homme. Mais, comme le précise Damascène, Dieu « permet que s’accomplisse quelque action exorbitante, pour que par cette action apparemment exorbitante s’effectue quelque grande merveille, comme le salut des hommes par la croix ».
Deuxièmement, il rappelle une chose extrêmement importante au sujet de la liberté de l’homme. Il y a une sorte de paradoxe dans notre nature : nous sommes à la fois libres, à l’image de Dieu, mais nous restons néanmoins des créatures soumises à un ordre universel et spirituel qui nous dépasse. De là découle que notre liberté consiste principalement dans le choix entre l’obéissance ou la révolte par rapport à la volonté du Maître de l’univers ou, en d’autres termes, dans le choix entre le bien et le mal. L’homme choisit de faire quelque chose, mais il n’y parvient qu’avec l’assistance ou la permission de Dieu. Si nous choisissons le bien, nous l’accomplissons avec l’aide de Dieu ; si nous choisissons le mal, nous nous y exerçons parce que Dieu nous laisse faire, respectueux de notre liberté et nous abandonnant à notre choix. Voici ce qu’en dit saint Jean Damascène : « Il faut reconnaître que décider ce que l’on doit faire dépend de nous, mais que l’achèvement en matière de bien relève de l’assistance divine, laquelle dans sa justice coopère avec ceux qui, selon la droiture de leur conscience, ont choisi le bien, conformément à sa préscience. Par contre, l’achèvement en matière de mal relève de l’abandon par Dieu, qui derechef, conformément à sa préscience, abandonne avec justice ». Dieu s’en remet ainsi à notre libre-arbitre puisque, comme le dit Damascène, il sait que ce qui se produit par violence n’est ni rationnel ni vertueux. Obliger l’homme à faire le bien contre son gré est contraire à l’amour que Dieu porte à l’homme qu’il a créé à son propre image et à sa ressemblance.
Enfin, en troisième lieu, Jean Damascène reconnaît deux formes de l’abandon de Dieu : un abandon qui entre dans le plan divin et qui est pédagogique et un abandon qui est reniement total. Je vous cite de nouveau Damascène : « L’abandon en vertu du plan divin et pédagogique est celui qui vise à la correction, au salut et à la gloire du patient ou bien tend à l’émulation d’autrui, à son imitation ou à la gloire de Dieu. Le reniement total a lieu quand Dieu a tout fait pour le salut d’un homme qui reste insensible, inguérissable, voire intraitable, de par son propre choix ».
Ainsi, n’oublions pas, comme nous le conseille saint Jean Damascène, que toutes les sombres épreuves, toutes les apparentes tragédies qui arrivent dans nos vies conduisent au salut de ceux qui les accueillent avec gratitude. Notre monde est ainsi : la souffrance y précède la joie, la douleur est précurseur de la naissance, l’épreuve y est nécessaire pour la perfection. La Providence de Dieu a donc trois caractéristiques : elle est infiniment bonne, mais elle est aussi juste, c’est-à-dire respectueuse des lois de la création et de la liberté des êtres raisonnables, aussi bien spirituels qu’humains ; enfin, elle est universelle. Ecoutez encore Jean Damascène : « Dieu veut primitivement ce qui est bien et y prend plaisir ; pour ce qui est pervers et mauvais, il ne le veut ni primitivement ni par voie de conséquence. Il s’en remet au libre arbitre… Dieu exerce sa providence sur toute la création, répandant les bienfaits et l’enseignement au moyen de toute la création, souvent même au moyen des démons, comme dans le cas de Job et des pourceaux ». Alors, frères et sœurs, soyez sans crainte et veillez : le Père s’est complu à vous donner aussi bien la vie que le Royaume. Remettez-vous à sa Providence et vous entrerez dans le Royaume du Christ lorsqu’il reviendra dans la gloire.